vendredi 20 mars 2009

BENOÎT XVI OU LA MORALE DE LA VIE

L'anecdote de la Dent d'Or évoquera sans doute quelques souvenirs à ceux qui jadis ou naguère lurent ce texte de Fontenelle qui fait partie des passages obligés des anthologies littéraires du XVIIIeme siècle.
"Assurons-nous du fait avant que de nous inquiéter de la cause..." L'histoire est la suivante: un enfant, dit-on, a perdu ses dents, et à la place de l'une d'entre elles pousse une dent en or. Et le prodige de déclencher toutes les interprétations les plus fantaisistes, sauf la plus simple, la plus rationnelle. On avait tout simplement oublié de penser que ça pouvait être une feuille d'or plaquée sur une dent on ne peut plus vraie.
A l'occasion d'une interview du Saint-Père, la sphère médiatique s'est emballée suscitant l'ire d'hommes et de femmes politiques de tout bord.
Or, si l'on s'en réfère aux mots eux-mêmes, aux ipsa uerba, l'on s'aperçoit que la pensée du Pape est l'exact contraire de ce que l'on en retient.
http://www.zenit.org/article-20486?l=french
Voici donc le texte:
Benoît XVI - Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est précisément l'Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant'Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, aux Camilliens, à toutes les religieuses qui sont à la disposition des malades... Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n'y met pas l'âme, si on n'aide pas les Africains, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d'augmenter le problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l'un avec l'autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler l'homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l'égard de son propre corps et de celui de l'autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et c'est ce que fait l'Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font.
De cette longue réponse seule une petite phrase - décontextualisée - a été retenue. Cette façon de faire en dit long sur l'honnêteté intellectuelle de ceux qui en font usage.
Ce qu'a dit le Pape n'est pas une énième condamnation du préservatif, mais un rappel de la nécessité d'un discours humaniste sur la sexualité.
Lorsqu'il s'agit de prévention, ce n'est pas le seul discours de prévention qui suffit. Chacun sait bien que s'il suffisait de faire de l'information sur la contraception ou la prévention des MST, cela se saurait depuis longtemps et le taux de prévalence des épidémies liées aux MST aurait largement diminuée.
L'on peut indéfiniment reprocher à Benoît XVI comme on le fit naguère à Jean-Paul II leur position vis-à-vis du préservatif.
Chacun sait bien pour peu qu'il s'intéresse un peu à la théologie morale que lorsque l'on utilise un préservatif, pour se protéger d'une maladie contaminante, ou quand on ignore le statut sérologique du ou de la partenaire, on applique tout simplement la très classique doctrine du moindre mal et l'on fait fond sur le sens des responsabilités que se doit d'avoir chacun. Et sur ce point il n'y aucune raison que l'on tienne en toute partie du monde un discours différent. Or, ce que ne voient pas les détracteurs du Saint-Père, c'est que leurs reproches qui tiennent peu ou prou du "aller dire ça, surtout en Afrique, quelle horreur" contiennent intrinsèquement de bien étranges substrats de discrimination et de stigmatisation.
L'on critique le discours du Saint Père sur la chasteté, mais enfin, attend-on de lui qu'il prêche le laxisme et la liberté sexuelle? Certes Jésus nous exhorte à aimer notre prochain comme nous-mêmes, et à soulager ses souffrances autant que faire se peut et à l'humble mesure de nos moyens, mais il ne enjoint pas de faire n'importe quoi. L'évangile n'a jamais dit "jouissez sans entraves".
S'il suffisait pour vaincre la pandémie du Sida en Afrique de seulement distribuer des préservatifs, ce sont des programmes qui ne coûteraient guère aux Etats riches et aux organismes internationaux. Cela se saurait. C'est précisément avoir la naïveté de le croire, croire qu'il suffit de distribuer des préservatifs qui fait que oui, cela pourrait aggraver le problème en donnant le sentiment d'une fausse sécurité. C'est là qu'intervient le discours catholique sur la sexualité: ce n'est pas un discours scientiste aseptisé sur la reproduction, la contraception et la prévention des MST qui à soi seul suffit. Encore faut-il que ce discours soit reçu, entendu, et compris. C'est pourquoi il est inséparable d'une réflexion sur les valeurs.
Promouvoir la culture de la vie, ce n'est pas se satisfaire et croire que tout est dit quand on dit "sortez couverts".
Une fois de plus la sphère médiatique a saisi l'occasion avec une mauvaise foi insigne de détourner les propos du Pape de leur signification.
S'est-elle avant de s'inquiéter des causes assurée des faits. Nous ne le pensons hélas pas. Cela n'en rend que plus préoccupante que des personnalités politiques se soient à ce point laissés piéger. Passons sur le fait que dans tel ou tel article qui fait cohabiter dans la même réprobation des propos pontificaux Line Renaud, Ségolène Royal et François Bayrou, http://www.leparisien.fr/societe/bayrou-royal-et-line-renaud-le-pape-continue-de-choquer-19-03-2009-448330.php.
Passons sur le communiqué tendancieux de Roselyne Bachelot http://www.leparisien.fr/societe/les-catholiques-sont-en-etat-de-choc-19-03-2009-447423.php qui semble croire - en toute bonne foi? - que le Pape a dit que le préservatif ne protégeait pas du Sida.
Je n'ai guère d'estime pour Ségolène Royal dont le sens de l'approximation est bien connu, et la culture générale d'une vacuité hélas abyssale. J'ai approuvé en leur temps les prises de position de Roselyne Bachelot à l'époque où si peu séparait Christine Boutin de Ségolène Royal et de tant de députés socialistes aux abonnés absents lors du vote du PACS.
Mais je suis pour le moins étonné que François Bayrou, dont la pondération, la culture, et les convictions chrétiennes sont connues de tous se soit laissé piéger par les amalgames tendancieux d'une sphère médiatique foncièrement cathophobe.
La réalité est plus simple. Bien des chrétiens utilisent le préservatif, bien des chrétiennes prennent la pilule et pensent à bon droit que cela ne regarde pas Monsieur le Curé, pas plus que ne pas la prendre, ou ne pas utiliser le préservatif quand il n'y a pas de doute sérologique ne regarde qui que ce soit...Cela ne fait pas des premiers des mauvais chrétiens pour autant. Cela ne fait pas non plus des seconds des chrétiens meilleurs que les autres. Le fait que le Pape continue à rappeler une certaine ligne doit-il leur poser des problèmes de conscience? Certes non, à partir du moment, où chacun est à même souhaitons-le de pouvoir déterminr en son âme et conscience ce qu'il lui est possible de faire ou de ne pas faire en connaissance de cause.
Si l'on relit donc dans leur vrai contexte les propos du Pape, jamais nous ne pouvons trouver en un quelconque lieu de son discours qu'il ait dit que le préservatif ne préservait pas du SIDA. Le pape a en réalité dit qu'il ne suffit pas de croire qu'il suffise de dire que le préservatif protège du SIDA.
Accompagner le discours strictement sanitaire et prophylactique d'une promotion des valeurs de la vie, est indispensable. C'est précisément faire fond sur la capacité de l'humaité à s'avancer sur la voie exaltante du progrès moral, où il faut parfois avancer de dix pas puis reculer de neuf, si l'on veut vraiment avancer d'un pas.
C'est donc bien aux pasteurs, dans les communautés où vivent les chrétiens de faire ce travail d'explicitation de la pensée pontificale. Cela suppose que l'on sache aussi éviter les connivences intellectuelles avec ce poison mental qu'est la "culture de mort"qui est le pire danger que l'humanité fasse peser sur elle-même, et qui resurgit subrepticement dans les discours eugénistes, euthanasiques, ou malthusiens qui ne sont pas sans évoquer ceux qu'il était alors à la mode de tenir dans les années trente. Cette idée fera très probablement l'objet d'un prochan billet.
PS: voici une vidéo des propos du Pape.



Ce qu'a vraiment dit le Pape
envoyé par KTOTV

1 commentaire:

Anonyme a dit…

les commentaires se font rares alors j'ai la joie de commencer.
Merci d'avoir été didactique et expliqué dans leur contexte les propos du pape.
Tout aussi pleins de bon sens soient ils une fois décodés ils n'en restent pas moins d'une incroyable provocation à défaut d'imaginer une maladresse que je ne peux créditer à un homme de cette intelligence.
c'est une technique de communication qu'il pratique volontier et depuis longtemps déjà.
la reaction est à la mesure de la provocation même si le message initial est relativement clair et je suis persuadé que c'est l'effet recherché.
Mais réussir ainsi à provoquer une réaction planétaire, ce qui n'est as une mince affaire, ne se fait il pas au détriment de l'universalisme en radicalisant plus encore les adversaires de chaque camps ?
jean-philippe