vendredi 13 juin 2008

BIS REPETITA NON PLACENT

La nouvelle du jour n'a pas de quoi nous réjouir. Le NON irlandais est assurément un mauvais coup pour la construction européenne, et voilà l'Europe condamnée à continuer à fonctionner sur les bases imparfaites du Traité de Nice, dont tout le monde reconnaissait les limites, mais avait su les accepter parce qu'elles étaient transitoires.
Ceux qui auront ici ou là attisé les populismes, reproché à leurs gouvernants d'instiller le désamour de l'Europe, accablé les institutions européennes de leur rancoeur et de leur vindicte portent dans ces refus une immense responsabilité, alors que justement aucun de nos pays ne serait ce qu'il est sans l'Europe.
Si l'Union européenne ne nous garantit pas à elle seule du cycle vicieux opulence - relâchement - vieillisement, la division et l'isolationisme ombrageux ne nous en protègeront pas davantage.
En la matière, si la France n'a pas de leçon à donner, et comment le pourrait-elle, alors que le 29 mai 2005, elle a pris la terrible responsabilité de mettre la construction européenne dans les ornières en votant NON, les manifestations d'égocentrisme ou d'irritation nationale en font supporter les conséquences à l'ensemble des citoyens européens.
On en viendrait presque à souhaiter que les referenda comportent pour corollaire nécessaire et immédiat du refus de ratifier la déchéance de la qualité de membre de l'Europe. Lorsque le Général de Gaulle fit voter la constitution du 4 octobre 1958, les pays qui formaient alors la Communauté (les Colonies), avaient le choix: soit adopter la constitution et intégrer la communauté, soit assumer du jour au lendemain son indépendance. Tel fut le sort de la Guinée de Sékou Touré.
Il est des circonstances où la démocratie ne peut se satisfaire des non.
Et en l'affaire, l'Europe ne sort pas grandie suite au refus irlandais.
Les pères fondateurs, signataires du traité de Rome, avaient connu les méfaits de l'exacerbation des nationalismes, et savaient ce que cela signifiait que de construire un espace de paix quand eux-mêmes avaient connu la guerre, et son cortège de privations, de sang et de larmes, en comparaison desquels nos récriminations sur la hausse des prix feraient presque figure de caprices d'enfants gâtés.
Les générations actuelles à qui a été transmis en héritage cette patiente construction européenne peuvent-elles se permettre de réduire à néant toute cette oeuvre de paix et de prospérité? Nous n'avons pas de droit sur l'Europe, nous en avons seulement l'usufruit. De ce que nous aurons su transmettre, nous devrons répondre devant le tribunal de l'Histoire. Ce n'est pas une vaine allégorie pour fleurs fânées de rhétorique, ou pour les sépulcres blanchis de l'art de bien dire et du politiquement correct. Ce tribunal, ce sont nos enfants et nos petits enfants qui s'étonnneront de voir que plus de soixante ans après la guerre il serait presque devenu plus difficile de construire l'Europe, de la faire vivre et aimer.
Sans la clairvoyance, le don d'apercevance des pères de l'Europe grâce à qui la pax inter populos fut réalité, que seraient devenus nos pays?
Tout cela crée une dette à leur égard. Ne la sacrifions pas au moloch d'égoïsmes nationaux insatiables par nature.
Le NON irlandais ne nous réjouit pas. Et le pire serait d'en faire un exemple. Pas plus que le 29 mai 2005 en France, la démocratie ne sort honorée des caprices des peuples. Toutes les explications du monde sur le divorce des peuples et des gouvernants n'exonèrent pas les peuples de réfléchir ne serait-ce qu'une seconde à ce que ces citoyens font lorsque par un caprice d'un instant pour répondre à une autre question que celle qui est posée ils font des folies dans l'isoloir, et après jouent les étonnés, quand on leur rappelle que d'autres choix étaient possibles.
Il en est ainsi de l'Europe, il en est ainsi des pays, il en est ainsi de nos villes.

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