samedi 10 octobre 2009

NON A LA SOCIETE D'HYPER-TRANSPARENCE

Les modernes instruments de communication, et surtout leur disponibilité démultipliée peuvent en un rien de temps faire et défaire les réputations.
Naguère, lorsque l'on voulait livrer aux chiens la réputation d'un personnage politique, il fallait un certain temps pour fouiller dans les poubelles ou les archives. Débusquer un entrefilet dans une collection de quotidiens demandait un temps certain, fouiller minutieusement les cartons d'archives ou les résidus de papier passés à la broyeuse aussi.
Aujourd'hui la dématérialisation des sources d'information, leur archivage dans des dossiers immatériels, et leur accessibilité quasiment en temps réel grâce à quelques mots clés judicieusement choisis tapés sur un moteur de recherche rendent la manoeuvre instantanée.
La transparence absolue est-elle vraiment le bien suprême que les sociétés civilisées devraient placer au pinacle de leurs valeurs?
N'avons-nous donc rien appris des périodes sombres de notre histoire contemporaine où les désirs de révolution nationale firent souvent les délices des corbeaux et délateurs, alors que lâchaient une à une toutes les digues qui jusque là pouvaient retenir le particulier, le journaliste ou le politicien?
La liste serait longue de toutes les campagnes nauséabondes de presse où la moralité, quand ce n'est pas l'intimité des gens fut scrutée à la loupe.
Les moins de cinquante ans ne s'en souviennent peut-être pas, mais à l'époque de l'affaire Markovitch, le Tout-Paris bruissait de rumeurs faisant état de photographies aussi sulfureuses qu'imaginaires mettant en scène Madame Pompidou dans des postures particulières. L'affaire s'avéra en fait une manipulation visant à contrarier les désirs d'avenir présidentiel de son mari.
La nécessité de protéger des indiscrétions la double vie - connue du Tout Paris - de François Mitterrand justifia en son temps bien des écoutes téléphoniques.
Les présidents Giscard et Chirac firent eux aussi l'objet de ragots.
Mais il semblerait qu'aujourd'hui on atteigne des sommets d'hypocrisie sociale, où faute de parler des vrais sujets, on jette en pâture des affaires sensationnelles mettant en cause des personnalités médiatiques.
L'affaire Polanski est aussitôt présentée avec autant d'indignation que s'il se fût agi d'un meurtre avec actes de barbarie, alors que la prétendue victime maintenant majeure s'est désistée de toute action judiciaire et qu'une transaction civile avait été acceptée par les parties en présence.
Alors que le ministre de la culture avait publié une autofiction voici maintenant quatre ans, sans que personne s'en émeuve, la curée médiatique est lancée par Marine le Pen, à la suite de laquelle s'engouffrent Benoît Hamon, Manuel Valls, et Christine Boutin.
Seule Cécile Duflot, dont nous saluons le courage, a le mérite de rappeler combien est pernicieux l'amalgame entre pédophilie et homosexualité.
Seul François Bayrou vient mettre en garde contre les effets pernicieux de l'hyper-transparence.
Or dans l'affaire Mitterrand, Marine le Pen a sciemment modifié le passage du livre de Frédéric Mitterrand, lequel évoque des relations tarifées avec des jeunes gens majeurs et encore sous le mode de la fiction narrative.
Alors, où est le tourisme sexuel dans tout cela? Où est l'apologie supposée de la pédophilie reprochée par de bien empressés accusateurs au ministre de la culture?
Marine Le Pen, Benoît Hamon, Manuel Valls, et Christine Boutin ont le droit d'avoir l'opinion qu'ils veulent sur les relations entre adultes, de sexe différent comme de sexe semblable. Mais est-ce à l'honneur des hommes politiques d'enfourcher les chevaux imprévoyants de l'ordre moral qui trop souvent condamne sans rémission avant d'avoir examiné les faits, si faits il y a?
L'hystérie médiatique que d'aucuns voudraient substituer à la sagesse de Minerve ou à la rigueur sereine de Thémis serait bien inspirée de voir à quels points elle est inique.
Voici quelques mois François Bayrou payait très injustement et au prix fort son coup de colère avec Dany Cohn-Bendit. Or les faits imputés au lanceur de pavés embourgeoisé dans la suffisance hautaine des bourgeois-bohème concernaient des enfants de moins de cinq ans. Des faits révulsants par leur nature-même.
Il faudrait par conséquent que les donneurs de leçons expliquassent en quoi la chose est plus grave s'agissant de supposées  victimes majeures, donc présumées consentantes, ce qu'évidemment ils se gardent bien de faire et pour cause, préférant pour les besoins de leur haine se satisfaire de mensonges sciemment perpétrés.
Ce spectacle de meutes de bien-pensants promptes à planter leurs crocs sur quiconque dévierait de l'ordre juste n'est pas digne des démocraties. Il rappelle au contraire les pires travers des époques les plus sombres de notre histoire où l'on érige en valeur suprême la délation, et où les peuples fanatisés s'en remettent à des dictateurs déséquilibrés à qui on laisse libre cours pour assouvir leurs fantasmes de purification morale de l'humanité.
Ce modèle, qui du fait de la bêtise ou de la provocation, est celui des zélateurs et des zélatrices de l'ordre moral dessine en fait le programme d'une société répressive et liberticide dans laquelle même après avoir payé ou asssumé ses erreurs, nul ne pourrait vivre sans l'angoisse que l'on ressorte des oubliettes de vieilles histoires.
Ce modèle-là, ne nous leurrons pas, est celui qui est dans les têtes d'une partie des socialistes, prêts à imposer à tous leur délire de tout surveiller, de tout contrôler des faits et gestes des individus. C'est ni plus ni moins l'ordre juste que prêcha en son temps une certaine Royal Ségolène.
Est-ce à l'honneur de gens qui se prétendent encore socialistes de devenir, malgré eux, ou pire, en parfaite connaissance de cause, les compagnons d'une extrême droite qui n'a rien oublié de son passé nauséabond?
de venir rappeler que les démocraties doivent commencer par mettre en pratique les principes sur lesquelles elles entendent être fondées: le droit pour les individus au changement, le droit à l'oubli, la nécessité de recul par rapport aux choses.