mercredi 28 septembre 2011

SÉNATORIALES 2011, OU L’AMNÉSIE

Chacun connaît le résultat des élections sénatoriales intervenues dimanche 25 septembre. Mais la réalité oblige à deux commentaires lapidaires.

Non, ce n'est pas une vague rose, puisque le parti socialiste n'y a pas la majorité à lui tout seul, et même grossi de ses satellites avérés, l'écart qui sépare la gauche de la droite et du centre reste minime. 
Par ailleurs, si l'alternance relève ni plus ni moins que de la vie démocratique, y a-t-il lieu de se féliciter comme d'une nouveauté jamais vue que le Sénat soit à gauche ?
Il est faux de dire que depuis 1958 le Sénat était à droite. En effet, de 1958 à 1968, le Sénat était présidé par un homme de gauche, Gaston Monnerville, dont l'histoire a surtout retenu son opposition au Général de Gaulle lorsque celui-ci décida de faire adopter par referendum la modification de la constitution tendant à faire élire le Président de la République au suffrage universel.http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Monnerville
Dans les premiers temps de la Cinquième République, le Sénat n'était donc pas de droite, et il existait un courant suffisamment fort aux contours sans doute mouvants qui allait des socialistes au centre en passant par les radicaux. Et les gaullistes, s'ils disposaient à l'assemblée nationale d'une majorité plus ou moins importante, durent composer avec un Sénat hostile, dans le cadre d'une majorité de gouvernement où ils avaient pour alliés les Républicains Indépendants.

Ainsi en 1959 lors du premier renouvellement par tiers intervenu sous la cinquième république :
élections sénatoriales 1959
Source des données :
http://www.france-politique.fr/elections-senatoriales-1959.htm

Puis en 1962 :

élections sénatoriales 1962

Source des données : http://www.france-politique.fr/elections-senatoriales-1962.htm

Ensuite en 1965 :

élections sénatoriales 1965

Source : http://www.france-politique.fr/elections-senatoriales-1965.htm

Et enfin en 1968 :

élections sénatoriales 1968
Source : http://www.france-politique.fr/elections-senatoriales-1968.htm

Certes, le renouvellement triennal lissait évidemment les effets des élections municipales et cantonales et aussi législatives puisque les députés font partie du collège électoral des sénateurs du département qu'ils représentent à l'Assemblée Nationale. Ainsi, la marée gaulliste des élections législatives de juin 1968 n'a guère eu d'effet sur le renouvellement sénatorial de septembre.

Il est étonnant de voir la gauche d'aujourd'hui et ses relais médiatiques frappés d'une bien étrange amnésie. L'on peut dire qu'il s'agit d'une époque dont les témoins directs sont soit disparus, soit étaient bien trop jeunes à l'époque pour s'intéresser avec acuité à la chose politique et ses nuances. 
Qu'était exactement cette opposition sénatoriale ? Des alliances aux contours certainement mouvants, mais soucieuses des prérogatives sénatoriales, et sans doute hérissés par une certaine forme de personnalisation du pouvoir, incarné à tort ou à raison par de Gaulle, et l'arrivée en politique d'homines novi, d'hommes nouveaux, qui n'avaient pas connus les délices de la Troisième ou de la Quatrième République. Des alliances capables de trouver des points de convergence tant par refus des alliances avec les communistes pour les socialistes et les radicaux d'avant le Congrès d'Epinay que par rejet du gaullisme qui à leurs yeux présentait des relents de bonapartisme. Mais cela tenait aussi du mariage de la carpe et du lapin entre démocrates-chrétiens pour qui la conquête des voix passait par l'assistance à la messe et le maniement du goupillon aux sépultures et radicaux pour qui l'élection supposait l'entretien d'autres formes de sociabilité agraires pour les radicaux des champs et maçonniques pour ceux des villes. L'allergie à de Gaulle et/ou aux conditions de son retour au pouvoir tenant lieu de dénominateur commun. Et pour d'autres, le ciment de cette adhésion à l'opposition à de Gaulle était très probablement la nostalgie de l'Empire colonial, mais sans doute n'est-il pas politiquement correct de soulever ces tentures de l'Histoire.

Laurent de Boissieu http://www.ipolitique.fr/archive/2011/09/25/gauche-droite-presidence-senat.html nous rappelle judicieusement qu'il existait un centre d'opposition, le Centre Démocrate, auquel appartenait Alain Poher devenu président du Sénat en 1968, qui assura l’intérim des fonctions de Président de la République au lendemain de la démission du Général de Gaulle désavoué par les résultats du referendum sur la régionalisation et tendant à modifier largement le mode d'élection du sénat. Ce même Alain Poher affronta Georges Pompidou sous les couleurs de la droite non gaulliste, du centre, et des socialistes réfractaires alors à toute union avec les communistes.

Ce n'est donc qu'après 1974 et l'élection de Valéry Giscard d'Estaing que les Centristes achevèrent leur adhésion à la majorité présidentielle. Mais cela est une autre histoire.

Le Sénat d'entre 1958 et 1969 n'était pas de droite, et les composantes de la majorité présidentiellesdevaient nécessairement composer avec les autres. 

La présence de la gauche non communiste, des radicaux et des centristes dessinait alors une opposition aux contours mouvants, où les étiquettes importaient moins que l'habileté à la négociation et au compromis. L'élection à la présidence en raison même de la diversité des groupes interdisait la moindre oukase d'un groupe sur l'autre, mais induisait la recherche d'une personnalité la plus idoine sous le double critère de la dignité du cursus honorum et du zèle à représenter le Sénat et ses intérêts. 

Il est étonnant de constater l'étrange amnésie de la gauche actuelle sur cette période des premiers temps de la cinquième république. Cette gauche démocratique dont était issu Gaston Monnerville était aussi le groupe au sein duquel siégeait François Mitterrand en qualité de sénateur de la Nièvre entre 1959 et 1962.

Cette amnésie pose question. Le pire serait certainement qu'il s'agisse du refoulement  de racines politiques et idéologiques devenues encombrantes pour le parti socialiste et ses satellites d'aujourd'hui.



1 commentaire:

Anonyme a dit…

lapidaire : 6 synonymes.
Synonymes abrégé, concis, court, diamantaire, laconique, résumé.


donc je lis vite, et là UNE DIARRHREE VERBALE...faut apprendre à se retenir malgré la frustration...c'est mauvais pour la santé