samedi 6 juin 2009

BORDEAUX, LA VRAIE CAPITALE EUROPEENNE DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Bordeaux, Place de la Bourse.

Un exemple réussi de requalification urbaine : le Quai des Marques à Bordeaux.
Les hangars des dockers transformés en boutique donnant sur la rivière.

Ayant eu l'occasion récente de découvrir Bordeaux, je me suis interrogé sur ce qui avait permis la reconquête des quais.




Le Quai Sainte Croix à Bordeaux, ou comment un large espace
permet la cohabitation heureuse de tous les modes de déplacement.

La raison première en est le très large espace entre les façades historiques des bâtiments au magnifique ordonnancement classique et le lit de la rivière. Cet espace, par ses dimensions permettait judicieusement l'adaptation et la métamorphose, parce que précisément tramway, automobiles, vélos et piétons, s'y partagent harmonieusement le terrain. C'est aussi que les friches industrielles des dockers, permettaient justement la requalification.


Bordeaux, le Miroir d'eau (à travers la vitre du Tram).

C'est aussi que la ville s'est développée non pas de part et d'autre de la Gironde, mais sur une seule rive, d'ailleurs, le premier pont fut le Pont de Pierre construit au 19è siècle.

L'harmonieuse répartition des rues larges, propices à la respiration, et des maisons, à hauteur limitée, induit comme heureuse conséquence que les citadins n'y sont pas entassés, et il faut saluer la sagesse des maires qui depuis le 18ème siècle ont respecté l'oeuvre des intendants, sans jamais céder aux démons pervers de l'hyperdensification.

Les larges perspectives de l'hypercentre, l'absence de déclivité permirent le choix judicieux du retour du tramway, mais conçu d'emblée comme un réseau, pensant d'emblée le nécessaire maillage avec le réseau de bus.

Comme en tout, il y a l'original, et il y a les copies maladroites, un peu comme ces ingénieurs aéronautes de l'ex Russie soviétique s'ingéniant à copier les plans du Concorde pour concevoir le Tupolev 144, qui ne put jamais décoller.

Le projet de transformation urbaine que croit porter Jean-Claude Antonini, c'est un peu cela. Mais Angers n'est pas Bordeaux, le site n'est pas le même, sa configuration non plus, et les contraintes non plus.

Comme on peut le pressentir, l'anneau de rocade d'Angers ne sera pas construit de sitôt, et il serait même plutôt souhaitable qu'il ne se construisît pas.

Cela veut dire que la voie des Berges est destinée à rester une voie de circulation rapide à deux fois deux voies. C'est une première contrainte, qui ne permet pas la requalification du site dans le sens où le souhaiterait le Maire d'Angers. Or lorque l'on exerce pareille responsabilité, laisser croire le contraire relève de l'imposture intellectuelle. Cacher la vérité aux administrés, c'est abuser du pouvoir confié par les urnes.

De plus, l'espace situé entre le lit de la rivière et la ligne de bâti, la densité urbaine, les besoins de la circulation ne permettent pas de confisquer l'espace. Autant dire que cela restreint drastiquement les possibilités.

Réduire la voie des Berges à un boulevard urbain à deux fois une voie, c'est par la-même condamner la cité à l'asphyxie permanente, car chacun sait qu'un flux qui circule à 50 km/h sur une seule voie s'écoule moins vite qu'un flux sur deux voies à 70 km/h. Lorsque dans une artère, s'installe un bouchon, cela s'appelle une thrombose. Voilà le risque que le Maire d'Angers veut faire courir à sa ville.
Quant au projet de tramway, faute d'avoir pensé d'emblée un réseau, de deux ou trois lignes, d'avoir intégré au projet la restructuration du réseau de bus, l'improvisation brouillonne, le mauvais choix du tracé, condamnent d'emblée ce choix par les limites qu'il induit. Le tram angevin sera peut-être un coûteux joujou, mais il ne peut-être l'élément fédérateur d'un réseau structuré de transport en commun.

Les dérives des coûts de la première ligne - nous ne le savons que trop - rendent difficilement crédible tout projet de construction d'une deuxième ligne avant de longues, très longues années.

Malheureusement, le choix d'Angers était non pas de penser l'adaptation de la ville aux nouveaux besoins des citadins, mais simplement d'avoir un tram, parce que c'est tendance.

Le développement durable, ce n'est pas cela.

Yves Cochet, dans un passage récent en Anjou, a d'ailleurs brocardé ces collectivités locales qui croient faire du développement durable en se contentant d'un Agenda 21.

Or, en cela comme en tout, on jugera l'arbre à ses fruits. Autant le visiteur qui découvrant Bordeaux peut faire le tour de l'hypercentre en combinant tram et marche à pied, autant celui qui tentant la même chose à Angers verra les chausses-trappes se multiplier. Le trajet depuis la Gare le mènera à la Maison-Bleue, où il descendra du tramway, pour éviter le passage dangereux du Ralliement et de la Rue de la Roë où la voie unique conjuguée à l'étroitesse de la rue créera un irrépressible sentiment de claustrophobie, et un bien réel danger pour les piétons, qui à n'en pas douter déserteront cette rue, et tant pis pour le commerce. En réalité, la ligne d'Angers n'en est pas une, il s'agit en fait de deux demi-lignes, une première partie liant Avrillé à la Station Saint-Serge-Université, et une autre partie liant la Roseraie à Foch-Maison Bleue. Autant dire que le passage par le Ralliement, avec les dangers que l'on voit poindre, est une coûteuse bévue, dont il est fort à craindre qu'Angers ne se relèvera pas. Tant il est évident qu'en réalité, il n'eût pas fallu relier Avrillé à la Roseraie, mais relier Beaucouzé-Université à Saint-Barth (ou Saint-Sylvain ou Trélazé), Avrillé aux Ponts-de Cé..., en évitant le Ralliement et en faisant l'interconnexion des lignes à la Place Leclerc.

Si l'on veut concevoir un projet de reconquête des quais, cela passe nécessairement par l'enfouissement des voies des berges, de manière à séparer le flux automobile, depuis au moins le logis du roi de Pologne jusqu'à la trémie Ramon.
Tel est le préalable à tout projet de requalification des quais de la rive gauche. Seule donc une voie des berges enterrée permettra, une fois la dalle mise en place, d'agrandir l'espace de circulation piétonne, de favoriser une circulation sûre des vélos, qui en aucun cas ne devront circuler sur l'espace piétons, comme c'est regrettablement le cas dans le secteur piétonnier ou hélas sur les trottoirs.




Tant qu'à réfléchir à la reconquête des berges de Maine, autant y réfléchir sur la base de ce que sont les réalités du site, les contraintes et les besoins de toutes les formes de circulation. Cela suppose de concevoir un tel projet non pas à partir du seul confort des habitants privilégiés du coeur de ville qui c'est vrai peuvent égoïstement rêver d'une ville sans voiture, mais à la hauteur de l'agglomération, pour en faire un lieu où l'on va.
Une fois de plus, comme en tant de sujets, Angers est victime de son manque d'ambition. Et cela est le fait d'une génération, celle qui a privilégié l'égoïsme bourgeois-bohème plutôt que le progrès économique et social, laissant ainsi se développer dans les quartiers de criants facteurs de déséquilibre.
Telle est l'autre raison, l'ambition, la volonté, qui a justement permis aux Bordelais de requalifier et de redynamiser leur ville. Mais aussi la démocratie locale, et sur ce point aussi la Mairie d'Angers ferait bien de prendre quelques leçons. Puisse la nécessaire remise à plat du PLU y contribuer, et les leçons à dégager de l'annulation judiciaire de celui-ci être entendues, sans que temps et argent soient une fois de plus perdues dans des procédures dilatoires.
La seule réponse, c'est nous le savons, l'enfouissement de la voie des Berges, tout autre projet relève du fantasme, porte malheureusement le sceau du manque de respect dû aux administrés, car on ne construit pas les désirs d'avenir d'une ville sur des projets que l'on sait de toute évidence irréalisables.

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