Il n'aura échappé à personne depuis ces derniers jours combien le centre ville n'a pas le dynamisme et la fréquentation des années précédentes.
L'on pourra trouver toutes les explications du monde dans la baisse du pouvoir d'achat, ou les départs en vacances, le climat maussade de ce début d'été, qui fait que musarder aux terrasses des cafés du centre ville, n'est pas toujours agréable, exposés qu'ils sont ces jours-ci à des intempéries indignes du mois de juillet.
Il faut reconnaître que notre centre ville souffre des incommodités d'accès induites par les travaux du tramway, et qui font du parcours un chemin semé d'embûches y compris pour les adeptes des modes de déplacement doux. Le piéton doit y regarder à deux fois pour ne pas heurter les barrières, le cycliste doit composer malgré qu'il en ait avec les plots blancs et rouges qui transforment la belle ordonnance rectiligne du Boulevard Foch en un périlleux labyrinthe.
Et si la désertion du centre en raison des incommodités d'accès était tout simplement le prélude à sa muséification, reléguant au loin - c'est déjà fait - les masses laborieuses qui ne peuvent se loger en centre-ville du fait du prix exorbitant des loyers ou des ventes, et aussi l'activité commerciale, car l'offre est soumise à la présence réelle de la demande.
La vocation du centre historique d'une ville n'est pas celle d'un musée enveloppant les trésors du passé sous la naphtaline, ce doit être aussi un lieu de commerce et pas seulement de luxe et d'activité.
A bien y réfléchir, l'on voit que tout les ingrédients de la culture bobo avec tout ce qu'elle peut avoir de plus détestable se met en place. La relégation de toute activité commerciale - en dehors du bling bling et du tape à l'oeil, en dehors du centre, les difficultés d'accès accumulées aussi bien pour les piétons, les automobilistes et les cyclistes.
Une fois débarassé de cet afflux d'importuns et de fâcheux en tout genre, ne risque-t-il pas d'arriver au centre ville ce qu'il arrive à toutes les villes qui ne comprennent pas que ce qui est premier c'est l'entreprise sous toutes ces formes, le confort de l'élite dût-il en pâtir, la mort à petit feu. Un peu comme ces campagnes dont on voit la désertification: les commerces disparaissant un à un, les écoles se vident et finissent par fermer, les services sont relégués en des lieux plus fonctionnels peut-être, mais plus éloignés du coeur de la ville et du département.
La piétonnisation inconsidérée de trop vastes espaces est un handicap surtout quand c'est la place centrale qui en fait les frais.
La place du Ralliement avec ses bus, ses voitures, ses piétons constituait le fier emblème d'une cité dynamique. Qu'en-est-il aujourd'hui, et bien, force est de constater que de battre le coeur de la ville s'est arrêté. L'utilisateur du bus ne peut plus descendre au pied du théâtre, le piéton y est confronté à un silence mortifère, l'automobiliste, fort heureusement, pour quelques mois encore a encore la chance de pouvoir aller garer sa voiture au parc souterrain, que la perspicacité des élus des années soixante-dix et quatre-vingt a eu la sagesse de vouloir construire en ce lieu.
L'un des premiers résultats de ces politiques d'apathie est qu'Angers risque de se faire damer le pion dans bien des secteurs. Passons sur le manque de notoriété, mais tout de même, entendre confondre Angers avec Agen n'est pas simplement une anecdote pour discours de campagne électoral, c'est révélateur du manque de notoriété extérieure conséquence du repli sur soi et sur ses privilèges.
Dernier exemple en date, Végépolys risque de perdre son label mondial de "référence mondiale de l'innovation dans le végétal spécialisé".
Marc Laffineur, Christophe Béchu l'ont bien compris et c'est pourquoi, en compagnie du président de Végépolys, ils doivent rencontrer le premier ministre François Fillon mercredi pour précisément défendre le pôle de compétitivité angevin.
C'est par de telles démarches que l'expression "chasser en meute" a un sens. Et l'on est tenté de se poser une question, que fait la Ville d'Angers, que fait Angers Loire Métropole dans le suivi de ce dossier où là encore, tant d'emplois et de ressources sont en jeu, où c'est la compétitivité d'un secteur de pointe qui est en cause?
Il n'est que trop facile au rat de ville de mépriser le rat des champs. Le rat de ville n'a pour unique souci que de de terminer son repas interrompu par un trouble fête.
"Labourage et paturage sont les deux mamelles de la France", disait Sully à Henri IV, qui ne voyait d'avenir que dans le commerce de l'or du Pérou.
Que gagnent villes et campagnes à continuer à se regarder comme ces chiens de faïence que l'on pose sur les dessus de cheminée?
Mao Tsé Toung - et le marxisme n'est pas vraiment ma Bible, c'est le moins qu'on puisse dire - n'avait-il pas l'intuition qu'il fallait "marcher sur deux jambes", c'est-à-dire développer agriculture et industrie.
L'agronomie contemporaine, en phase avec la recherche la plus pointue, est un secteur phare de notre Anjou, et c'est l'ensemble de notre département, ville comprise qui pâtirait du déclassement de Végépolys.
Raison de plus pour se bouger. La politique du dos rond et de l'inertie face aux coups durs de la guerre économique qui encore aujourd'hui tiennent lieu de stratégie de développement économique de la ville et de l'agglomération ne peuvent plus suffire.
Très précisément, 27083 électeurs ont dit haut et fort le 16 mars qu'ils en avaient assez et qu'ils souhaitaient autre chose.
A force de cultiver la displicentia sui, la déplaisance de soi-même, c'est-à-dire cette forme de modestie mal placée qui consiste à ne pas se croire capable de se battre et à privilégier le repli sur le confort bourgeois à la petite semaine, c'est au déclassement qu'il faut s'attendre.
Le rentier, pour avoir tout misé sur ses rentes, n'en est pas moins tondu.