Il est de bon ton de blâmer le désintérêt du peuple pour la chose publique. Ces critiques ne manquent pas de piquant surtout quand elles émanent de décideurs que l'exercice solitaire ou clanique du pouvoir et la coupure progressive d'avec les administrés a objectivement coupé des réalités.
On peut admirer la réussite de la reconquête des berges de Garonne à Bordeaux, ou du Rhône à Lyon, trouver du charme aux abstractions architecturales de Chemetov à Nantes, ou admirer le beau dessin de la Canopée projetée par Mangin au dessus du carreau des Halles.
Cela ne devrait pas dispenser de regarder les choses à l'humble niveau de notre ville.
D'abord l'espace compris entre la rivière et les quais est infiniment moins large que dans les villes que nous évoquons.
Ensuite, lorsque l'on sait qu'à Angers tout ce qui touche à l'urbanisme est dans l'ornière en raison de l'annulation du Plan Local d'Urbanisme, que tout projet de réduction de l'emprise de voierie sur les quais est subordonné à la réalisation de la Rocade Sud, projet dont le Conseil Général a décidé de ne plus assumer la maîtrise d'oeuvre, arguant non sans raison qu'il s'agissait d'un projet intra-agglomération.
Pourquoi alors s'obstiner à présenter au Conseil Municipal un projet virtuel? Pourquoi engager dans des études probablement inutiles des sommes qui eussent pu être fléchées vers des postes budgétaires plus aptes à répondre aux besoins les plus urgents de nos concitoyens qui en ont le plus besoin?
Ce dossier est emblématique, hélas de l'idée que se fait la majorité municipale d'Angers, des projets de dévelopement. On se convertit à l'idolâtrie du greenwashing parce que c'est tendance... Mais on oublie ce qui en bonne politique devrait être l'ordre des priorités.
On oublie ce faisant la question sociale en renvoyant au retour des coquecigrues la réalisation de la deuxième ligne de tramway, comme si les Angevins de Monplaisir ou de Belle-Beille pouvaient encore plus attendre que le tramway arrive à leur porte. Comme si les communes du Sud de l'agglomération comme Trélazé ou les Ponts de Cé pouvaient rester durablement à l'écart des moyens de transports du 21ème siècle.
Où sont passées les promesses de la candidate alors centriste de l'élection partielle destinée à élire un conseiller général pour le canton d'Angers-Trélazé, laquelle candidate pas plus tard qu'en septembre 2007 défendait encore l'opportunité du changement de tracé du tramway, proposait qu'une ligne aille vers Trélazé au besoint en requalifiant la voie SNCF inusitée depuis de nombreuses années?
On a envie de dire lorsque l'on assiste au conseil municipal "Revenez au réel".
Ce n'est hélas pas le seul sujet sur lequel on pourrait le dire.
Ainsi, on peut s'étonner de la mise en place d'un conseil des jeunes de 18 à 30 ans. Il se serait agi d"un conseil des enfants, sur le modèle de ce qui se fait et qui marche bien au conseil général, on aurait compris. Mais là, il s'agit de gens qui sont en âge de voter. Or, lorsque l'on commence à tronçonner la population, il ne faudra pas s'étonner de voir par la suite surgir d'autres revendications plus ou moins communautaristes. Ajouterons-nous d'autres conseils gadget dans lesquels les citoyens découvriront par la suite qu'il ne sont que des faire-valoirs dont on va commencer soigneusement par encadrer la parole et noyauter le fonctionnement.
Ainsi également de l'hydropiscine. Lors des voeux de 2009, le maire avait Urbi et Orbi expliqué que ce projet ferait les frais de son budget de combat pour répondre à la crise. Neuf mois après, c'est d'une idée diamétralement opposée qu'accouchent les instances municipales, un projet coûteux de piscine ludique, dont on se demande quel besoin prioritaire il serait destiné à satisfaire, surtout quand le sport de haut niveau dans certaines disciplines ne disposent pas des équipements nécessaires à l'organisation de championnats homologués. Ainsi par exemple la natation, où le bassin de 50 mètres de Jean Bouin ne satisfait pas aux normes, cantonnant la ville à se contenter des compétitions en bassin de 25 mètres.
La ville s'obstine également dans un coûteux projet de restauration in situ de l'antique stade Jean Bouin, préférant continuer à imposer à la population riveraine les nuisances d'une desserte et de capacités de stationnement inadaptées.
Qui croit-on convaincre lorsque pour toute réponse les élus de l'opposition s'entendent répondre qu'ils ne sont pas gentils envers l'adjoint aux sports (et j'édulcore les termes, car Monsieur Rotureau, ex-adjoint aux sports voulant sans doute voler au secours de son successeur, a eu des mots que la descence interdit de rapporter et qui déshonorent l'enceinte dans laquelle se tiennent les débats du Conseil)? Qui croit-on convaincre quand pour clôre le débat le Maire répond fallacieusement que lors des élections les angevins ont décidé que Jean Bouin resterait là où il est. Faut-il avoir oublié les tracts mensongés diffusés jusqu'à la veille du scrutin et qui eussent pu certainement en cas de recours amener les angevins quelques mois plus tard à retourner aux urnes?
Pour cette séance de rentrée du conseil municipal, nous eussions aimé ne pas avoir à décerner de prix citron. Mais manifestement la politique de la table rase et de l'oubli des origines semble avoir quelques émules encore au sein de la majorité. Alors donc un premier citron pour Frédéric Béatse, déclarant sans précautions oratoires "nous sommes tournés vers l'avenir, peu importe le passé". Sans doute ne s'était-il pas rendu compte de la présence de Monsieur Jean Monnier, maire de 1977 à 1998, sans l'action duquel Angers n'aurait peut-être pas pris l'allure moderne et le dynamisme qui la caractérise, malgré dix ans d'immobilisme municipal de la part d'héritiers bien ingrats.
En matière d'aménagement urbain, nous ne partageons pas du tout la vision de Monsieur Antonini et de sa première adjointe.
Arrivé à Angers voici 21 ans, je me souviens de l'émerveillement qui fut le mien de découvrir la Voie des Berges permettant à l'automobiliste de passer rapidement d'une extrémité à l'autre de la ville. Cet enthousiasme devant cette merveille du génie humain, concrétisant à merveille la mission qui est la sienne de faciliter les échanges et la circulation, est toujours intact. Oui, quelque chose me manquera quand je ne pourrai plus m'arrêter pour contempler le flux de voitures passant dans un sens puis dans l'autre au pied du château, venant par leur doux murmure, rompre le silence d'une cité qui sans cela serait anxiogène et sans âme. Lorsqu'après avoir passé quelque temps hors d'Angers, c'est par la Voie des Berges que j'aime à rentrer, là où se renouent les liens avec la ville énergique, la ville entreprenante, la ville qui bouge, voyant défiler, tel un film d'action, les images des édifices sans lesquels Angers ne serait pas Angers.
La vision des voitures et de leur flot, toutes porteuses de fantastiques histoires humaine, est encore plus sublime, lorsqu'on du haut du château on les voit arriver au logis du Roi de Pologne, passer sous la première trémie, puis resurgir. Ou encore, lorsque l'on veut tenter l'expérience des sensations fortes, on les regarde en vue plongeante depuis la rembarde de l'un des ponts.
Alors, que l'on ne vienne pas me parler de reconquête des berges, et toutes les bonnes raisons du monde ne me feront jamais douter de la justesse de l'intuition de Jean Turc qui les fit construire, de Jean Monnier qui les développa.
Pour tout dire, j'espère ne jamais connaître le jour où les trémies seront bouchées. Plaise à Dieu que ce jour n'existe pas ou que si cela devait advenir je sois ailleurs.
Il est en effet de bon ton, dans les sphères bobo de cracher sur la ville pompidolienne. Ce n'est que trop facile de blâmer sur le dos des autres le progrès et ses bienfaits dont soi-même on ne voudrait à aucun prix se priver.
Ce mépris du progrès est proprement anti-humaniste. Il révèle l'égoïsme suffisant d'une élite de nantis qui pour préserver ses positions ne voudrait à aucun prix consentir aux sacrifices qu'ils souhaiteraient imposer à autrui.
Alors en guise de conclusion, comment ne pas rendre hommage au maire visionnaire que nous avons eu de 1977 à 2008, plus soucieux de politique du réel que de complaisance envers les caprices de la mode.
Voici ce que nous dit Jean Monnier à propos des Voies sur Berges : "Ce n’est pas avec une circulation automobile réduite, avec carrefours à niveau, qu’on réunifiera la ville, c’est en construisant des franchissements supplémentaires (…). Ce n’est pas en comblant les trémies que l’on effacera la coupure des voies sur berges: au contraire, c’est en creusant cette voie et en la couvrant d’une dalle paysagée à vocation de promenade entre la Place-Molière et le Pont de la Haute-Chaîne, en encorbellement sur la Maine, face à la cale de la Savatte."
Puisque Monsieur le Maire se dit prêt à entendre la voix des Angevins, et bien chiche. Sans honte, je préfère partager la vision que nous proposait Jean Monnier, idée reprise en 2001 dans le programme de Dominique Richard, et en 2008 dans celui de Christophe Béchu.
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