mardi 8 septembre 2009

CAVEAT POPULUS IPSE NE QUID DETRIMENTI RES PUBLICA CAPIAT

La grippe A ne doit pas être le prétexte à la régression des libertés publiques et des garanties constitutionnelles.
Autant l'on peut et doit comprendre le souci légitime des autorités publiques de prémunir la population face à un risque avéré, et d'être prêt le moment venu à prendre les mesures prophylactiques destinées à freiner la propagation du virus, telles que la fermeture momentanée des écoles, l'organisation d'une campagne de vaccination pour permettre aux professions jugées indispensables au fonctionnement quotidien de la société d'éviter la contamination, ou à tout le moins de n'attraper la maladie sous une forme bénigne, il est dangereux de se servir d'un événement pour justifier des mesures sécuritaires et réductrices des libertés.
Les groupuscules qui jettent le soupçon sur les laboratoires, qui en appellent à l'abstention de vaccination mettent en danger la population, parce que c'est oublier que les vaccins ont contribué au progrès sanitaire et au mieux-être collectif. L'on peut même dire que face à une pandémie, s'opposer à des mesures larges de vaccination, c'est de la non assistance à personne en danger. Que ceux qui répandent d'aussi fallacieux conseils les assument aussi.
Mais le risque sanitaire ne doit pas devenir le prétexte à la réduction des libertés essentielles que garantit la Déclaration des Droits de l'Homme à laquelle la loi et la jurisprudence accordent une valeur constitutionnelle.
Donc lorsque l'on se sert d'un événement pour porter atteinte aux libertés générales, on ouvre dangereusement la boîte de Pandore.
En 2001, le gouvernement Jospin, on l'a oublié a autorisé les forces de police à procéder à la fouille de véhicules sans mandat de perquisition. La gauche était au mieux restée muette. Que n'eût-on pas entendu si pareille mesure avait été prise seulement un an après par qui nous savons.
Aujourd'hui, selon les révélations du Syndicat de la Magistrature, le gouvernement s'apprêterait à légiférer par ordonnance pour faire adopter des mesures d'exception telles que la généralisation du huis clos, davantage d'affaires jugées par juge unique et non en collégialité, prolongation de la durée de la détention provisoire de 4 à 6 mois, délai au-delà duquel une audience contradictoire devant la chambre de l'instruction est obligatoire, report de l'intervention des avocats en 24ème de garde à vue, et non plus dès la 1ère heure.
Tout cela est proprement indécent et anti-républicain, car il est fort à craindre que justement de telles mesures soient anti-constitutionnelles. En effet, la publicité des débats et des jugements est un élément substantiel de la légalité des jugements. La formule "Au nom du Peuple Français" implique justement la publicité des audiences. Celle-ci est une garantie des justiciables, des accusés, des victimes, et aussi des professions judiciaires elle-même, car l'acte public de juger met par lui-même la Justice à l'abri du soupçon. Ce n'est donc pas sans raison que les fondateurs de la République en ont voulu ainsi, pour rompre avec les scandales des procédures secrètes, qui par leur nature, que ce soupçon soit fondé ou pas, exposent ceux qui les conduisent à l'accusation de manipulation ou de soumission au pouvoir. La collégialité est la garantie d'un jugement équitable, par le croisement des regards qu'elle implique, et elle aussi est un élément substantiel du procès équitable.
Dans sa sagesse, le législateur a disposé que la publicité des débats était la règle générale et le huis-clos l'exception, lorsqu'il est estimé que le contenu des audiences amènerait le public à connaître trop précisément de faits contraires aux bonnes moeurs ou touchant à la sécurité de l'Etat. Il a aussi disposé que l'audience à juge unique restait l'exception, pour des contentieux simples, aux enjeux limités.
Or, nous peuple de France, si prompt parfois et même souvent à donner aux autres peuples des leçons, il se trouve que nous ne pouvons pas faire n'importe quoi des principes que les fondateurs de la République ont voulu donner en exemple aux autres.
Lorsque sont à ce point méprisées la Liberté, l'Egalité et la Fraternité, ces trois mots qui figurent sur les frontons de nos édifices publics, en exergue des documents officiels, sur le frontispice de nos lois, c'est la République elle-même que l'on outrage.
Ces droits essentiels sont notre patrimoine moral et civique, ils sont par nature immuables, incessibles, inaliénables, et irréformables.
Plus que tous autres ceux précisément à qui les citoyens ont confié temporairement le pouvoir de gérer l'Etat doivent avec un soin particulier être quotidiennement les gardiens de ces droits, parce que lorsqu'eux-mêmes s'autorisent à déroger, ils donnent l'exemple aux petits chefs qui par nature outrepassent leurs droits lorsqu'ils ne sentent pas au-dessus d'eux l'aiguillon de la loi.
Caveat populus ipse ne quid detrimenti Res publica capiat.
Que le peuple lui-même prenne garde à ce que la République ne subisse aucun dommage.

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